La croissance du produit intérieur brut réel en Afrique du Nord a été en moyenne négative en 2020, à -1,1% avec une baisse de -5,1 points de pourcentage par rapport à 2019, selon les Perspectives économiques en Afrique du Nord 2021 de la Banque africaine de développement.
Publié le 3 novembre, le rapport note que « les économies nord-africaines ont connu un triple choc en 2020 : la pandémie de Covid-19, un effondrement des cours du pétrole et une chute brutale du tourisme ». La croissance a également été écourtée en raison, notamment, de la forte contraction des échanges avec les principaux partenaires commerciaux européens de la région. Un ralentissement moins grave que prévu grâce aux interventions rapides des gouvernements pour atténuer les répercussions de la pandémie.
L’an dernier, la récession en Afrique du Nord a été néanmoins plus limitée que prévu et inférieure à celles enregistrées en Afrique centrale et en Afrique australe, relève la Banque. Pour autant, les pays d’Afrique du Nord ont connu des situations très variées. Par exemple, la Libye (-60,3%), la Tunisie (-8,8%) et le Maroc (-7,1%) ont été les plus affectés par la crise alors que l’Égypte est l’un des rares pays au monde à avoir affiché une croissance positive (+3,6%). Dans l’ensemble, les variables macroéconomiques se sont détériorées. Le déficit budgétaire moyen a doublé, (5,7 % du PIB en 2019, 11,6 % en 2020), et le déficit des comptes courants s’est accru de 4,9% à 8,8 % du PIB.
Le rapport précise que l’Afrique du Nord pourrait rapidement retrouver son niveau d’avant la pandémie si les risques sanitaires et les incertitudes à l’échelle mondiale sont éliminés. Selon le document, la croissance de la région devrait ainsi atteindre 4 % en 2021 et 6 % en 2022. La rapidité de la reprise devrait être, en partie, induite par le rebond des prix du pétrole en Algérie et Libye et du tourisme en Égypte, au Maroc et en Tunisie. La reprise devrait être également soutenue par l’amélioration de la production, la distribution de vaccins et la reprise chez les partenaires commerciaux européens.
Le rapport alerte néanmoins sur une rapide augmentation de l’endettement des États. Entre 2010 et 2020, la dette publique de l’Algérie a bondi de 10,5% à 53,1% de son PIB. Ce même ratio est passé de 69,6% à 90,2% en Égypte, 43,9% à 59,5% en Mauritanie, 49% à 76,1% au Maroc et 39,2% à 87,6% en Tunisie. En 2020, la pandémie a provoqué la hausse des dépenses budgétaires imprévisibles visant à limiter les multiples répercussions de la crise, la baisse des recettes fiscales résultant de l’arrêt des activités économiques et l’interruption des flux d’investissement étrangers.
Afin de riposter à la crise et soutenir la relance, le document estime à plus de 180 milliards dollars américains les besoins financiers de la région sur la période 2021-2023.
Les pays d’Afrique du Nord ont adopté des stratégies d’endettement différentes afin de couvrir leurs besoins de financement. Certains, comme l’Algérie et la Libye, ont privilégié le recours à l’endettement intérieur alors que la Mauritanie et la Tunisie ont massivement opté pour l’endettement extérieur. L’Égypte et le Maroc se sont endettés des deux côtés.
Le rapport souligne deux changements majeurs dans la structure de la dette globale en Afrique du Nord : une forte augmentation de la dette en devises étrangères qui a bondi de 88% entre 2015 et 2020, exposant les pays à un risque de change plus important ; un accroissement des créances privées, liées notamment aux émissions d’obligations souveraines sur les marchés internationaux avec des taux d’intérêt moyens plus élevés et des maturités moins longues.
Selon le rapport, les niveaux d’endettement régionaux resteront soutenables à court terme. À l’horizon 2025, ils avoisineront néanmoins 100% du PIB en Algérie et Tunisie, circonscrits dans une fourchette de 77-78% du PIB en Égypte et au Maroc et de 57,9% en Mauritanie. Ces taux d’endettement ne tiennent pas compte des difficultés financières de bon nombre d’entreprises publiques nord-africaines, qui pourraient se transformer, à terme, en engagements budgétaires à travers des garanties de l’État.
Selon le rapport, il est capital d’optimiser l’efficacité de la dette publique et d’en maximiser l’impact sur les populations. Si les pays utilisent les fonds de manière transparente et efficace pour financer des investissements productifs dans les infrastructures ou pour relancer leur économie, ils pourront facilement rembourser leur dette.
Le document recommande aux pays de la région de mobiliser davantage de ressources intérieures pour combler leur besoin de financement, restructurer les entreprises publiques déficitaires, favoriser les emprunts concessionnels aux maturités plus longues et lutter efficacement contre les flux financiers illicites.
Afin de stimuler la reprise économique à court terme, le rapport souligne la nécessité d’investir dans l’économie numérique, de soutenir l’accès au financement et le renforcement des capacités des petites et moyennes entreprises et d’approfondir les marchés obligataires nationaux.
À long terme, le rapport préconise des réformes favorisant la diversification de l’économie et des marchés, l’innovation technologique et la création d’emplois à grande échelle ainsi que la diversification des exportations, l’investissement dans des infrastructures publiques pour atténuer les disparités régionales et soutenir une croissance inclusive. Il préconise aussi l’approfondissement de l’intégration régionale dans le cadre de l’accord sur la Zone de libre-échange continentale africaine.
Source : Bad