L’économie ivoirienne continue de rester dynamique depuis le début de l’année avec l’une des croissances les plus rapides du continent, qui devrait atteindre 7,2 % en 2019, contre 7,4 % en 2018. C’est ce qu’indique la conclusion de la neuvième édition du rapport sur la situation économique en Côte d’Ivoire publiée cette semaine par la Banque mondiale. Cette bonne performance s’explique essentiellement par le retour du dynamisme du secteur privé qui avait ralenti en 2016 et 2017 et constitue à nouveau le principal moteur de croissance du pays.
Intitulé ”Au pays du cacao, comment transformer la Côte d’Ivoire”, le rapport souligne que les réformes entreprises par le gouvernement pour améliorer le climat des affaires ont encouragé les entreprises à investir davantage en 2018. L’étude note toutefois que contrairement aux années 2012-2015, marquées par le dynamisme de l’ensemble du secteur privé, la reprise actuelle se concentre principalement dans les télécommunications, l’agroalimentaire et les bâtiments-travaux publics. Par ailleurs, les contributions des secteurs externe et public ont été moindres en raison de la détérioration des termes de l’échange et de l’ajustement budgétaire initié par les autorités.
« À court et moyen termes, les perspectives restent solides avec, entre autres, une inflation maîtrisée, un déficit public qui devrait se redresser et une augmentation progressive des exportations », explique Jacques Morisset, chef des programmes de la Banque mondiale en Côte d’Ivoire et principal auteur du rapport. « Plusieurs risques pourraient toutefois altérer ces prévisions, notamment ceux liés à la fragilité de la conjoncture internationale et des marchés financiers et, aux élections présidentielles de 2020 qui risquent d’inciter à la prudence des acteurs économiques et des consommateurs. »
L’étude invite le gouvernement à porter une attention particulière à la maîtrise de ses comptes car bien que le déficit public ait diminué de 4,5 % à 4 % du PIB entre 2017 et 2018, cet ajustement s’est principalement traduit par des coupes budgétaires importantes, y compris la diminution des investissements publics, plutôt que par une mobilisation plus forte des recettes fiscales.
Partant du constat que le modèle économique de la Côte d’Ivoire repose sur le secteur agricole, notamment sur la filière cacao dont le pays est premier producteur mondial, le rapport s’intéresse à ce secteur. Il brosse un état des lieux inquiétant. Bien que les récoltes aient quadruplé depuis 1960 pour atteindre plus de deux millions de tonnes en 2018, les conditions de vie des producteurs ne se sont guère améliorées. En 2015, 54,9 % d’entre eux vivaient en-dessous du seuil national de pauvreté. En outre, cette augmentation de la production a été lourde de conséquences pour le patrimoine naturel de la Côte d’Ivoire avec une diminution alarmante des forêts qui n’occupent plus que 3 millions d’hectares contre 12 millions en 1960.
Selon l’étude, ces défis représentent aussi une opportunité puisqu’ils donnent à la Côte d’Ivoire l’occasion de repenser l’ensemble de la chaîne de valeur du cacao pour transformer son économie. Elle propose trois axes d’intervention : miser sur la technologie pour accroître les rendements et passer d’une croissance extensive à intensive ; établir des mécanismes de traçabilité pour les acheteurs afin de garantir un produit responsable ; et enfin, développer l’industrie locale de transformation.
« La Côte d’Ivoire a une opportunité unique d’améliorer les conditions de vie de ses producteurs de cacao et créer des emplois le long de la chaîne de transformation tout en restaurant son patrimoine naturel », souligne Coralie Gervers, directrice des opérations de la Banque mondiale pour la Côte d’Ivoire, le Bénin, la Guinée et le Togo. « Il est urgent de moderniser la filière cacao et de faire en sorte qu’elle devienne un véritable vecteur de croissance inclusive. »